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03/04/2020 | FRANCE | N°2019-832/833

France | France, Conseil constitutionnel, 03 avril 2020, 2019-832/833


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 19 décembre 2019 par le Conseil d'État (décisions nos 423118 et 423044 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été respectivement posées pour M. Marc S. et Mme Albertine G. par la SELARL Cabinet Bornhauser, avocat au barreau de Paris. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2019-832 QPC et 2019-833 QPC. La première question prioritaire de constitutionnalité est relative à

la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du...

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 19 décembre 2019 par le Conseil d'État (décisions nos 423118 et 423044 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été respectivement posées pour M. Marc S. et Mme Albertine G. par la SELARL Cabinet Bornhauser, avocat au barreau de Paris. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2019-832 QPC et 2019-833 QPC. La première question prioritaire de constitutionnalité est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe III de l'article 17 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, « en combinaison avec » l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016. La seconde question prioritaire de constitutionnalité est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du même paragraphe III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013, « en combinaison avec » le paragraphe II de l'article 92 B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998, et le paragraphe I ter de l'article 160 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents, ainsi qu'au transfert du siège statutaire d'une SE ou d'une SCE d'un État membre à un autre ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998 ;
- la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 ;
- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 ;
- la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 septembre 2019, nos C-662/18 et C-672/18 ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations en intervention présentées pour M. et Mme Philippe L. par Me Philippe Derouin, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 6 janvier 2020 ;
- les observations présentées pour M. Marc S. par la SELARL Cabinet Bornhauser, enregistrées le 9 janvier 2020 ;
- les observations présentées pour Mme Albertine G. par la SELARL Cabinet Bornhauser, enregistrées le même jour ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
- les secondes observations en intervention présentées pour M. et Mme Philippe L. par Me Derouin, enregistrées le 23 janvier 2020 ;
- les secondes observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 24 janvier 2020 ;
- les secondes observations présentées pour Mme Albertine G. par la SELARL Cabinet Bornhauser, enregistrées le même jour ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Marc Bornhauser, avocat au barreau de Paris, pour les requérants, Me Derouin pour la partie intervenante et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 mars 2020 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision.
2. Le paragraphe II de l'article 92 B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 1998 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« 1. À compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres reçus lors de l'échange.
« Ces dispositions sont également applicables aux échanges avec soulte à condition que celle-ci n'excède pas 10 p. 100 de la valeur nominale des titres reçus. Toutefois, la partie de la plus-value correspondant à la soulte reçue est imposée immédiatement.
« Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans les conditions prévues à l'article 97.
« Lorsque l'échange des titres est réalisé par une société ou un groupement dont les associés ou membres sont personnellement passibles de l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement, ces associés ou membres peuvent bénéficier du report d'imposition, sous les mêmes conditions, jusqu'à la date de la cession, du rachat ou de l'annulation de leurs droits dans la société ou le groupement ou jusqu'à celle de la cession, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres reçus en échange si cet événement est antérieur. Les conditions d'application du présent alinéa sont précisées par décret.
« 2. Les conditions d'application du 1, et notamment les modalités de déclaration de la plus-value et de report de l'imposition, sont précisées par décret ».

3. L'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« I. - L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. Le contribuable mentionne le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170.
« Ces dispositions sont également applicables lorsque l'apport est réalisé avec soulte à condition que celle-ci n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus. Toutefois, la plus-value est, à concurrence du montant de cette soulte, imposée au titre de l'année de l'apport.
« Il est mis fin au report d'imposition à l'occasion :
« 1° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres reçus en rémunération de l'apport ;
« 2° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres apportés, si cet événement intervient dans un délai, décompté de date à date, de trois ans à compter de l'apport des titres. Toutefois, il n'est pas mis fin au report d'imposition lorsque la société bénéficiaire de l'apport cède les titres dans un délai de trois ans à compter de la date de l'apport et prend l'engagement d'investir le produit de leur cession, dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession et à hauteur d'au moins 50 % du montant de ce produit :
« a) Dans le financement de moyens permanents d'exploitation affectés à son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l'exception de la gestion d'un patrimoine mobilier ou immobilier ;
« b) Dans l'acquisition d'une fraction du capital d'une ou de plusieurs sociétés exerçant une activité mentionnée au a du présent 2°, sous la même exception, et répondant aux conditions prévues au e du 3° du 3 du I de l'article 150-0 D ter. Le réinvestissement ainsi opéré doit avoir pour effet de lui conférer le contrôle de chacune de ces sociétés au sens du 2° du III du présent article ;
« c) Ou dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l'augmentation de capital d'une ou de plusieurs sociétés répondant aux conditions prévues au premier alinéa du d et au e du 3° du 3 du I de l'article 150-0 D ter.
« Le non-respect de la condition de réinvestissement met fin au report d'imposition au titre de l'année au cours de laquelle le délai de deux ans expire.
« Lorsque le produit de la cession est réinvesti dans les conditions prévues au présent 2°, les biens ou les titres concernés sont conservés pendant un délai d'au moins douze mois, décompté depuis la date de leur inscription à l'actif de la société. Le non-respect de cette condition met fin au report d'imposition au titre de l'année au cours de laquelle cette condition cesse d'être respectée.
« Lorsque le contrat de cession prévoit une clause stipulant le versement d'un ou plusieurs compléments de prix au sens du 2 du I de l'article 150-0 A en faveur de la société cédante, le produit de la cession au sens du premier alinéa du présent 2° s'entend du prix de cession augmenté desdits compléments de prix perçus. Dans ce cas, le prix de cession doit être réinvesti, dans le délai de deux ans à compter de la date de cession, à hauteur d'au moins 50 % de son montant dans les conditions prévues au présent 2°. À défaut, le report d'imposition prend fin au titre de l'année au cours de laquelle le délai de deux ans expire. Pour chaque complément de prix perçu, la société dispose d'un nouveau délai de deux ans à compter de la date de sa perception pour réinvestir, dans les conditions prévues au présent 2°, le reliquat nécessaire au maintien du respect du seuil minimal de 50 % du montant du produit de la cession défini à la première phrase du présent alinéa. À défaut, le report d'imposition prend fin au titre de l'année au cours de laquelle le nouveau délai de deux ans expire ;
« 3° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des parts ou droits dans les sociétés ou groupements interposés ;
« 4° Ou, si cet événement est antérieur, lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans les conditions prévues à l'article 167 bis.
« La fin du report d'imposition entraîne l'imposition de la plus-value dans les conditions prévues au 2 ter de l'article 200 A, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, décompté de la date de l'apport des titres, en cas de manquement à l'une des conditions de réinvestissement mentionnées au 2° du présent I.
« II. - En cas de transmission par voie de donation ou de don manuel des titres mentionnés au 1° du I du présent article, le donataire mentionne, dans la proportion des titres transmis, le montant de la plus-value en report dans la déclaration prévue à l'article 170 si la société mentionnée au 2° du même I est contrôlée par le donataire dans les conditions prévues au 2° du III. Ces conditions sont appréciées à la date de la transmission, en tenant compte des droits détenus par le donataire à l'issue de celle-ci.
« La plus-value en report est imposée au nom du donataire et dans les conditions prévues à l'article 150-0 A :
« 1° En cas de cession, d'apport, de remboursement ou d'annulation des titres dans un délai de dix-huit mois à compter de leur acquisition ;
« 2° Ou lorsque l'une des conditions mentionnées au 2° du I du présent article n'est pas respectée. Le non-respect de l'une de ces conditions met fin au report d'imposition dans les mêmes conditions que celles décrites au même 2°. L'intérêt de retard prévu à l'article 1727, décompté de la date de l'apport des titres par le donateur, est applicable.
« La durée de détention à retenir par le donataire est décomptée à partir de la date d'acquisition des titres par le donateur. Les frais afférents à l'acquisition à titre gratuit sont imputés sur le montant de la plus-value en report.
« Le 1° du présent II ne s'applique pas en cas d'invalidité correspondant au classement dans la deuxième ou troisième des catégories prévues à l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, de licenciement ou de décès du donataire ou de son conjoint ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité soumis à une imposition commune.
« III. - Le report d'imposition est subordonné aux conditions suivantes :
« 1° L'apport de titres est réalisé en France ou dans un État membre de l'Union européenne ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ;
« 2° La société bénéficiaire de l'apport est contrôlée par le contribuable. Cette condition est appréciée à la date de l'apport, en tenant compte des droits détenus par le contribuable à l'issue de celui-ci. Pour l'application de cette condition, un contribuable est considéré comme contrôlant une société :
« a) Lorsque la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société est détenue, directement ou indirectement, par le contribuable ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs ;
« b) Lorsqu'il dispose seul de la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires ;
« c) Ou lorsqu'il y exerce en fait le pouvoir de décision.
« Le contribuable est présumé exercer ce contrôle lorsqu'il dispose, directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne.
« Le contribuable et une ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérés comme contrôlant conjointement une société lorsqu'ils déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale.
« IV. - Par dérogation aux 1° et 3° du I, le report d'imposition de la plus-value mentionné au même I ou son maintien en application du présent alinéa est maintenu lorsque les titres reçus en rémunération du dernier apport ou échange ayant ouvert droit au report d'imposition mentionné audit I ou à son maintien font l'objet d'une nouvelle opération d'apport ou d'échange dans les conditions prévues au présent article ou à l'article 150-0 B.
« Le contribuable mentionne chaque année, dans la déclaration prévue à l'article 170, le montant des plus-values dont le report est maintenu en application du premier alinéa du présent IV.
« Il est mis fin au report d'imposition de la plus-value mentionné au I et maintenu en application du premier alinéa du présent IV en cas :
« 1° De cession à titre onéreux, de rachat, de remboursement ou d'annulation des titres reçus par le contribuable en contrepartie du dernier apport ou échange ayant ouvert droit au report d'imposition ou à son maintien ;
« 2° De survenance de l'un des événements mentionnés aux 3° et 4° du I ;
« 3° De survenance, dans la société bénéficiaire de l'apport ayant ouvert droit au report d'imposition ou dans l'une des sociétés bénéficiaires d'un apport ou échange ayant ouvert droit au maintien de ce report en application du premier alinéa du présent IV, d'un événement mentionné au 2° du I mettant fin au report d'imposition.
« V. - En cas de survenance d'un des événements prévus aux 1° à 4° du I et aux 1° à 3° du IV, il est mis fin au report d'imposition de la plus-value dans la proportion des titres cédés à titre onéreux, rachetés, remboursés ou annulés.
« VI. - Un décret fixe les conditions d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives des contribuables et des sociétés bénéficiaires de l'apport des titres ».

4. Le paragraphe I ter de l'article 160 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 1999 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« 1. Par exception aux dispositions du paragraphe I bis, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une fusion ou d'une scission ou, à compter du 1er janvier 1988, en cas d'échange résultant d'apports de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut, sur demande expresse du contribuable, être reportée au moment où s'opérera la cession ou le rachat des droits sociaux reçus à l'occasion de l'échange par cet associé.
« Sous réserve des dispositions du 2, ce report d'imposition est subordonné à la condition que l'opération de fusion ou de scission ait été préalablement agréée par le ministre du budget.
« L'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de droits sociaux effectué avant le 1er janvier 1988 et résultant d'une fusion ou d'une scission peut, sur demande expresse du contribuable et à condition que l'opération de fusion ou de scission ait été préalablement agréée par le ministre chargé du budget, être reportée au moment où s'opérera la transmission ou le rachat des droits sociaux reçus à l'occasion de l'échange.
« 2. Toutefois le contribuable est dispensé de l'agrément en cas de de fusion, de scission ou d'apport de droits sociaux représentant ensemble 50 % au moins du capital de la société dont les titres sont apportés, lorsqu'il prend l'engagement de conserver les titres acquis en échange pendant un délai de cinq ans à compter de la date de l'opération d'échange. Le non-respect de cet engagement entraîne l'établissement de l'imposition au titre de l'année au cours de laquelle l'échange de droits sociaux est intervenu, sans préjudice des sanctions prévues à l'article 1729.
« 3. Les dispositions des 1 et 2 cessent de s'appliquer aux plus-values d'échanges de titres réalisés à compter du 1er janvier 1991.
« 4. L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission ou d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B. Il en est de même lorsque l'échange des titres est réalisé par une société ou un groupement dont les associés ou membres sont personnellement passibles de l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. Les conditions d'application sont précisées par décret.
« Ces dispositions sont également applicables aux échanges avec soulte à condition que celle-ci n'excède pas 10 p. 100 de la valeur nominale des titres reçus. Toutefois, la partie de la plus-value correspondant à la soulte reçue est imposée immédiatement.
« 5. Pour l'application du régime d'imposition défini au présent article, lorsque les titres reçus dans les cas prévus aux 1, 2 et 4 font l'objet d'un échange dans les conditions prévues au 4, au II de l'article 92 B ou au troisième alinéa de l'article 150 A bis, l'imposition des plus-values antérieurement reportée peut, à la demande du contribuable, être reportée de nouveau au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des nouveaux titres reçus à condition que l'imposition de la plus-value réalisée lors de cet échange soit elle-même reportée.
« Un décret fixe les conditions d'application du premier alinéa ».

5. Les paragraphes I et II de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 mentionnée ci-dessus créent, à l'article 150-0 D du code général des impôts, un abattement pour durée de détention pour l'imposition des plus-values résultant de la cession de valeurs mobilières ou d'opérations d'échanges de titres. Le paragraphe III de cet article 17 prévoit :
« Les I et II s'appliquent aux gains réalisés et aux distributions perçues à compter du 1er janvier 2013, à l'exception des 1° et 4° du D, du E, des vingt-troisième et vingt-quatrième alinéas du 2° du F, des G et H, des b et c du 1° du K, du L, des 1° et 3° du N, des O, R et W du I et du 2° du II, qui s'appliquent aux gains réalisés et aux distributions perçues à compter du 1er janvier 2014. Les M et V ne s'appliquent pas aux contribuables qui bénéficient, au 31 décembre 2013, du report d'imposition mentionné à l'article 150-0 D bis, dans sa version en vigueur à cette date ».

6. Les requérants reprochent à ces dispositions, telles qu'interprétées par le Conseil d'État en conformité avec le droit de l'Union européenne, d'établir une différence de traitement injustifiée dans la taxation des plus-values tirées d'opérations d'échange de titres faisant l'objet d'un report d'imposition, selon qu'elles sont effectuées dans le cadre de l'Union européenne ou dans un cadre national. Le premier type de plus-values donnerait lieu, en toute circonstance, à l'application d'un abattement pour durée de détention couvrant non seulement la période de détention des titres remis à l'échange mais aussi celle des titres reçus en contrepartie. En revanche, le second type de plus-values ne donnerait lieu à l'application d'aucun abattement lorsque la plus-value a été réalisée avant le 1er janvier 2013 et d'un abattement portant sur la seule durée de détention des titres remis à l'échange lorsqu'elle est intervenue après cette date. L'un des requérants critique également la différence de traitement résultant du fait que, en cas de report d'imposition obligatoire prévu par l'article 150-0 B ter du code général des impôts, les plus-values réalisées, dans le cadre national, avant le 1er janvier 2013 seraient taxées au taux d'imposition en vigueur au moment où elles ont été placées en report d'imposition et non, comme pour les plus-values réalisées dans le cadre de l'Union européenne, au taux en vigueur lorsque le report d'imposition prend fin.
7. Par conséquent, les questions prioritaires de constitutionnalité portent, en premier lieu, sur le renvoi opéré par la première phrase du paragraphe III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 au b du 1° du F du paragraphe I du même article. En second lieu, elles portent sur les mots « dans les conditions prévues au 2 ter de l'article 200 A » figurant au dernier alinéa du paragraphe I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts.
- Sur les conclusions aux fins de non-lieu :
8. La partie intervenante soutient qu'il n'y aurait pas lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la conformité de ces dispositions aux droits et libertés que la Constitution garantit, dans la mesure où, selon elle, il pourrait résulter d'une autre interprétation de ces dispositions, conforme au droit de l'Union européenne, une absence de différence de traitement, ce qui priverait la question prioritaire de constitutionnalité de son objet. Toutefois, une telle argumentation tend à remettre en cause l'appréciation du caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité par la décision de renvoi, et doit donc être écartée.
- Sur le fond :
9. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
10. L'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 a soumis l'imposition des plus-values constituées à l'occasion d'une opération d'échange de titres au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Lorsque ces plus-values ont fait l'objet d'un report d'imposition sur le fondement des articles 92 B ou 160 du code général des impôts, précédemment applicables, ou sur le fondement de l'article 150-0 B ter du même code, elles peuvent en outre bénéficier de l'abattement pour durée de détention prévu aux 1 ter et 1 quater de l'article 150-0 D du même code. Toutefois, conformément au paragraphe III de cet article 17, cet abattement ne s'applique pas aux plus-values placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013. En outre, par exception, conformément à la réserve d'interprétation formulée au considérant 15 de la décision du Conseil constitutionnel du 22 avril 2016 mentionnée ci-dessus, les plus-values obligatoirement placées en report d'imposition sur le fondement de l'article 150-0 B ter avant le 1er janvier 2013 sont imposées selon les règles d'assiette et de taux applicables au fait générateur de leur imposition.
11. Dans sa décision du 18 septembre 2019 mentionnée ci-dessus, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la directive du 19 octobre 2009 mentionnée ci-dessus doit s'interpréter en ce sens que, dans le cadre d'une opération d'échange de titres, elle requiert « que soit appliqué, à la plus-value afférente aux titres échangés et placée en report d'imposition ainsi qu'à celle issue de la cession des titres reçus en échange, le même traitement fiscal, au regard du taux d'imposition et de l'application d'un abattement fiscal pour tenir compte de la durée de détention des titres, que celui que se serait vu appliquer la plus-value qui aurait été réalisée lors de la cession des titres existant avant l'opération d'échange, si cette dernière n'avait pas eu lieu ». Il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État, tirant les conséquences de cette décision et des règles rappelées au paragraphe précédent, que, lorsqu'elles sont afférentes à des opérations entrant dans le champ matériel et territorial de la directive du 19 octobre 2009, les plus-values placées en report d'imposition sur le fondement des articles 92 B, 160 ou 150-0 B ter du code général des impôts bénéficient, en cas d'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu, de l'application de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D du code général des impôts, quelle que soit la date à laquelle elles ont été placées en report d'imposition. En revanche, d'une part, lorsqu'elles sont afférentes à des opérations qui n'entrent pas dans ce même champ, ces plus-values n'en bénéficient pas si elles ont été placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013. D'autre part, celles placées en report d'imposition après cette date, sur le fondement de l'article 150-0 B ter, n'en bénéficient qu'à concurrence de la durée de détention des titres remis à l'échange.
12. En premier lieu, il résulte des dispositions contestées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante, une différence de traitement, s'agissant de l'application de l'abattement pour durée de détention aux plus-values d'une opération d'échange de titres placées en report d'imposition, selon que cette opération a été réalisée dans le cadre de l'Union européenne ou qu'elle l'a été dans le cadre national ou en dehors de l'Union européenne.
13. Toutefois, les régimes juridiques de report d'imposition applicables aux plus-values d'échange de titres visent à garantir une certaine neutralité fiscale à ces opérations en évitant que le contribuable soit contraint de céder ses titres pour acquitter l'impôt. Les dispositions contestées se sont bornées à adapter certains de ces régimes aux évolutions de la législation relative à l'imposition des plus-values. Le respect du droit de l'Union européenne impose de renforcer la neutralité fiscale des opérations européennes d'échange de titres.
14. D'une part, il ne résulte pas de cette exigence découlant du droit de l'Union européenne une dénaturation de l'objet initial de la loi. D'autre part, au regard de l'objet de la loi, telle que désormais interprétée, il existe une différence de situation, tenant au cadre, européen ou non, de l'opération d'échange de titres. Par conséquent, la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées est fondée sur une différence de situation et en rapport direct avec l'objet de la loi.
15. En second lieu et en tout état de cause, la différence de traitement qui résulterait de l'application aux plus-values placées en report d'imposition obligatoire, avant le 1er janvier 2013, du taux et des règles d'assiette applicables au fait générateur de l'imposition, lorsque l'opération d'échange de titres ne relève pas du droit de l'Union européenne, serait, elle aussi, pour les mêmes raisons, fondée sur une différence de situation et en rapport direct avec l'objet de la loi.
16. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Le renvoi opéré par la première phrase du paragraphe III de l'article 17 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 au b du 1° du F du paragraphe I du même article et les mots « dans les conditions prévues au 2 ter de l'article 200 A » figurant au dernier alinéa du paragraphe I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, sont conformes à la Constitution.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 avril 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.

Rendu public le 3 avril 2020.


Synthèse
Numéro de décision : 2019-832/833
Date de la décision : 03/04/2020
M. Marc S. et autre [Exclusion de certaines plus-values mobilières du bénéfice de l'abattement pour durée de détention]
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 03 avril 2020 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 03 avril 2020 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2019-832/833 QPC du 03 avril 2020
Origine de la décision
Date de l'import : 14/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2020:2019.832.833.QPC
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